Pépites de vocabulaire – 2: « cartonner », « faire un carton »

Le R&B à la française cartonne à nouveau! Les titres d’Aya Nakamura et de ses émules Wejdene, Imen ES, Eva Queen et Lynda font un carton en ce moment!

Voilà un emploi bien particulier du verbe cartonner : intransitif (n’admettant pas de complément d’objet auprès du verbe), figuré (opposant au sens concret ou sens propre du verbe un sens imagé) et plutôt familier (au lieu d’appartenir au registre de langage courant), qui basiquement n’a de commun avec les autres emplois de ce verbe (transitifs ou intransitifs, au sens propre ou au sens figuré, déjà vieillis ou actuels, et dont nous présenterons quelques-uns à la fin de cet article) que son rapport à carton (dans le sens métonymique de « plaque ou fiche (faite) de carton », il est vrai), et qui est à la fois tributaire et synonyme de la locution verbale faire un carton (où, logiquement, la même métonymie opère pour le sens de carton).

Dans cet emploi, on confère à cartonner des sens comme « être un gros (ou véritable) succès, avoir un succès fou, connaître un franc succès, remporter un succès éclatant (retentissant, fracassant), récolter un succès foudroyant; faire fureur, faire sensation, déchaîner l’enthousiasme, marquer les esprits; faire recette, (fam.) marcher (très) fort, être un vraie réussite (commerciale ou autre); réussir brillamment, être très bon (en termes de compétences, dans un domaine), briller, exceller, l’emporter haut la main (facilement et largement, avec brio, sans aucun effort, se jouant des obstacles), triompher, remporter une nette victoire (dans une compétition, un concours) ».

Et dans un registre familier (ou argotique) et parfois local, on lui trouvera des locutions synonymes (la plupart métaphoriques) comme « casser la baraque » (Québec), « exploser les compteurs », « crever le plafond », « crever l’écran » (pour un spectacle, un artiste), « faire une drache » (Belgique et Nord de la France, où dracher signifie « pleuvoir fort, à verse » et une drache est une « pluie battante et soudaine », apprenez ici comme elle se démarque des hallebardes, cordes et j’en passe françaises), « décrocher la lune », « décrocher ou (gagner) la timbale (ou le coquetier) », « gagner comme bobo » (Afrique, au sens de « réussir parfaitement »), « pogner » (Québec, sous influence nord-américaine: le Missouri, le français acadien en Louisiane; avec au moins 50 sens attestés, et comme premier sens « prendre, saisir »).

Dans ce sens figuré particulier, cartonner s’applique à l’engouement et l’impact soudains engendrés par des produits ou services commerciaux; des marques, modes et tendances; des productions artistiques (cinématographiques, choréographiques, littéraires, musicales, théâtrales, etc.) et autres spectacles et événements en tout genre; des prestations individuelles ou collaboratives dans le domaine formatif (études, épreuve), professionnel (entretien d’embauche, fonction, projet) ou sportif (discipline, épreuve, compétition).

La plupart du temps, ce carton ( = ici: « ce succès, cette réussite » ) est connoté comme imprévisible ou inespéré (il surprend, épate), impactant ou rase-table (il foudroie, éclate, marque les esprits; il est net, franc) et éphémère (de courte durée puisque rapidement consommé par ses excès). Mais attention: ces connotations ne sont pas nécessairement toutes présentes en même temps et leur teneur s’ajuste au cas par cas. Pour ne donner qu’un exemple: l’élève qui cartonne ( = « brille, excelle, décroche la lune ») en maths ou en langues pendant sa formation de base continuera normalement à le faire par après, non?

En anglais, cartonner, dans cet emploi particulier, se traduit par to score, to be a (big, real) hit, to hit truly (or really), to hit the jackpot, to be a huge success, to be all the rage, to take the world by storm; to be successful, to do great, to do extremely well, to do brillantly, to succeed brillantly, to achieve high marks (or grades), to excel, to stand out, to accomplish with complete success ou par des verbes et locutions verbales appartenant à un registre plus familier comme to ace (it), to smash it, to nail it, to crush it, to kill it, to make a killing, to knock (or hit) it out of the park.

Et qu’en est-il en espagnol? Dans la langue de Cervantès, on traduira cartonner employé au sens imagé qui nous occupe par ser un éxito completo (absoluto) y abrumador (apabullante, arrollador, tajante, contundente), ser todo un éxito, ser un éxito rotundo, arrasar, hacer estragos (estragar), ser el último grito, hacer (o causar) furor, triunfar; sobresalir, destacar, brillar, hacerlo genial; ou par des verbes et locutions verbales appartenant à un registre plus familier comme clavar(la), bordar(lo), reventar(lo), romper(lo), romper(la), romper la tarima (en contextos musicales o de espectáculos), roquear (rockear).

Quelques phrases pour illustrer cet emploi intransitif et figuré de cartonner:

  • « La firme de tech chinoise classée quatrième producteur mondial de téléphones intelligents continue de cartonner avec sa première voiture électrique. Dévoilée fin 2023, la superbe berline continue sur son excellente lancée, ne cessant d’enregistrer des livraisons supplémentaires. De son côté, la version la plus puissante (de 1 500 chevaux) rencontre elle aussi déjà un franc succès. » · « The Chinese tech firm, ranked fourth in the world in terms of smartphone production, continues to make waves with its first electric car. Unveiled at the end of 2023, the superb saloon (car) continues its excellent momentum, registering a steady stream of new deliveries. Meanwhile, the most powerful version (with 1,500 bhp) is also already a huge success. » · « La empresa tecnológica china, cuarta del mundo en producción de smartphones, sigue dando que hablar con su primer coche eléctrico. Presentada a finales de 2023, la magnífica berlina continúa su excelente momento, registrando un flujo constante de nuevas entregas. Mientras tanto, la versión más potente (con 1.500 CV) también es ya un gran éxito. »
  • « Ce nouveau restaurant rapide cartonne, il y a toujours la queue (une file d’attente) devant ! » · « This new fast-food restaurant truly hits it, there’s always a queue outside! » · « Este nuevo restaurante de comida rápida arrasa: ¡siempre hay cola fuera! »
  • « La plateforme de vidéos la plus prisée de la toile est devenue le terrain de jeu des artisans influenceurs: les tutoriels vidéo ( = vidéos instructives) où ces artisans passionnés vidéastes font la démonstration de leur savoir-faire cartonnent sur YouTube. » · « The web’s most popular video platform has become a playground for craftsmen influencers: the video tutorials in which these passionate craftsmen and videographers demonstrate their skills are are experiencing significant success and popularity on YouTube. » · « La plataforma de vídeo más popular de la red se ha convertido en un patio de recreo para los artesanos influencers: los videotutoriales en los que estos artesanos apasionados y videógrafos demuestran sus habilidades arrasan ( = están teniendo mucho éxito) en YouTube. »
  • « Il semble que cette chanson va cartonner ( = va rencontrer un franc succès) cet été, elle passe en boucle à la radio. » · « This song looks like it’s going to be a big hit, it’s playing over and over on the radio. » · « Parece que esta canción va a ser un gran éxito, suena una y otra vez en la radio. »
  • « La nouvelle production de cette troupe de théâtre va cartonner ici à Avignon. Les entrées se vendent comme des petits pains. Il n’y a déjà plus de places disponibles pour la première semaine. » · « That acting company’s new production is set to be a hit here in Avignon. Tickets are selling like hot cakes. There are already no more places available for the first week. » · « La nueva producción de esta compañía de teatro será un gran éxito aquí en Aviñón. Las entradas se venden como churros. Ya no quedan plazas disponibles para la primera semana. »
  • « Cet étudiant cartonne en maths, il a toujours les meilleures notes. » · « That student excels (or stands out) in mathematics, he always gets the highest grades (or marks).  » · « Aquel alumno destaca en matemáticas, siempre saca las mejoras notas. »
  • « Elle se sentait préparée et prête à cartonner à l’épreuve finale et impressionner ses camarades de classe cette fois-ci. » · « She felt prepared and ready to ace the final test and impress her classmates this time. » · « Se sentía preparada y lista para arrasar en la prueba final e impresionar a sus compañeros de clase esta vez. »
  • « Cette candidate a vraiment cartonné lors de son entretien d’embauche ( = elle l’a brillamment réussi) et a donc obtenu le poste. » · « This candidate really knocked it out of the park at her interview and so she got the job ». · « Esta candidata se lució en la entrevista, así que consiguió el puesto ».
  • « Si vous voulez cartonner sur ce projet, le travail d’équipe est essentiel. » · « If you want to ace this project, teamwork is essential. » · « Si queréis tener éxito en este proyecto, el trabajo en equipo es esencial. »
  • « Le prochain concept de start-up qui va cartonner, c’est vous qui le tenez! » · « You’re the one who’s got the next great startup idea! » · « El próximo gran concepto de startup ¡lo tiene usted! »
  • « Le FC Barcelone cartonne au Camp Nou avec des doublets de Suarez et Paulinho lors de la 16ème journée du championnat espagnol de football. La formation blaugrana s’est baladée face à (= s’est imposée sans effort, a surclassé) La Corogne (4-0). » · « FC Barcelona is on a roll at Camp Nou on the 16th matchday of the Spanish League with doublets by Suarez and Paulinho. The Blaugrana team outclassed the Deportivo of La Coruña by 4 to 0. » · « FC Barcelona arrasa en el Camp Nou con dobletes de Suárez y Paulinho en la 16ª jornada del campeonato de fútbol español. El conjunto blaugrana arolló ( = aplastó, doblegó, se impuso sin esfuerzo) con 4 a 0 al Deportivo de La Coruña. »

On a même détecté dans la presse sportive un exemple d’un emploi transitif de cartonner apparenté à l’emploi intransitif dans la dernière phrase-exemple donnée ci-dessus et au sens figuré de « surclasser, vaincre largement, remporter un nette victoire sur, l’emporter haut la main sur (un adversaire ou une équipe adversaire »:

  • « Le Club Bruges cartonne La Gantoise et reprend la tête en attendant [la rencontre] Union Saint-Gilloise – Genk. Large vainqueur de La Gantoise ce jeudi à domicile (4-1), le Club Bruges a repris provisoirement la tête des play-offs (= matches éliminatoires) [de la Pro League belge], dépossédant l’Union Saint-Gilloise de son fauteuil avant la réception de Genk samedi. » (ds. L’Équipe, 01/05/2025) · « Club Brugge topples La Gantoise and is back on top ahead of the match Union Saint-Gilloise – Genk. After a comprehensive 4-1 home win over La Gantoise on Thursday, Club Brugge regains the lead in the [Belgian Pro League] play-offs for the time being, knocking Union Saint-Gilloise off their perch ahead of Saturday’s visit of Genk. » · « El Club Brujas derrota al Gante y recupera el liderato antes del [partido] Union Saint-Gilloise – Genk. Tras imponerse el jueves en casa por un contundente 4-1 a La Gantoise, el Club Brujas ha recuperado de momento el liderato de las las eliminatorias [de la Liga Pro de Bélgica], desbancando al Union Saint-Gilloise antes de la visita del sábado del Genk. »

D’où est né cet emploi intransitif et figuré du verbe cartonner?

L’origine de l’emploi intransitif de cartonner dans le sens figuré de « être une véritable réussite, marcher très fort, rencontrer un franc succès » (en parlant d’une initiative entreprise) ou « réussir brillamment, l’emporter haut la main » (en parlant de celui ou celle qui réalise un exploit) est à chercher dans les cartons (métonymique pour: plaque ou fiche de carton) utilisés comme cibles dans les stands de tir à l’arc, à la carabine ou au pistolet des fêtes foraines du XIXe siècle.

Pour mieux comprendre, il faut passer par la locution synonyme faire un carton dont cet emploi de cartonner est dérivé, une expression liée aux sports de tir et qui était alors employée au sens propre de « toucher ou atteindre la cible (de carton, et par métonymie: toucher le carton), réussir son tir ».

Et là on peut même monter d’un cran et « réussir à tous les coups », ce qui consisterait, en termes de jeu, à faire (un) carton plein ou réaliser un carton plein. La phrase suivante, à part d’établir très clairement l’origine (le premiers sens, au stand de tir) de la locution faire un carton et de montrer comment ce sens initial a pu s’étendre jusqu’à signifier « réussir brillamment son coup » ou « réussir à tous les coups », utilise manifestement faire un carton là où on attend et sous-entend presque faire un carton plein, car on y « touche toutes les cibles visées »:

  • « Abattre cette file indienne d’hommes désarmés au milieu du fleuve, c’était comme faire un carton à un stand de foire. » (Régis Debray, L’indésirable, roman, Paris, Le Seuil, 1975; cité par le dictionnaire Expressio consulté le 02/07/2025)

Régis Debray y compare la facilité avec laquelle ces hommes sans défense ont été tués (= la pleine réussite de la tuerie) à la simplicité de tirer sur (la totalité) des cibles en carton dans un jeu de foire. L’image est forte et choquante, soulignant la brutalité et le manque de difficulté perçue dans l’acte d’abattre en rafale tous et chacun de ces hommes désarmés avançant en rang serré au milieu d’un fleuve.

Mais contrairement à ce qu’on serait tenté de penser, cette expression n’est pas à rattacher seulement et exclusivement aux sports de tir (tir à l’arc, tir aux fléchettes, etc.), où faire (un) carton plein signifie « toucher tous les points de la cible », mais également au jeu de loto: eh oui, réaliser un carton plein, au sens premier (sens propre), consiste aussi à « réaliser une grille complète » au loto.

Si pendant une partie de loto traditionnel un joueur a réussi à reconnaître et marquer sur sa grille (son carton affichant une grille contenant 15 numéros répartis sur 3 lignes) la totalité des 15 numéros tirés au sort et annoncés par le meneur de jeu (ou animateur) et que le dernier numéro sorti y figure, on dit qu’il « fait (un) carton plein ». En d’autres mots, il y a carton plein quand une grille de loto correspond intégralement au tirage, et la personne qui détient cette grille aura compris qu’elle pourra gagner un prix. Elle devra alors se lever et crier (de manière elliptique, omettant le verbe pour alléger son annonce) « Carton plein! ».

Au sens figuré, faire carton plein équivaudra logiquement à « être ou connaître un succès total, réussir pleinement, réussir sur toute la ligne, réussir sans faille, réussir ou l’emporter à tous les coups, faire un sans-faute, rapporter ou toucher le gros lot, remporter une victoire complète ».

En anglais cela donne to succeed completely, to score full marks, to hit the jackpot, to make a clean sweep, to sweep (the series), to sweep the awards, to scoop the pool, to gain everything. En espagnol on traduira par tener un éxito rotundo, lograr un resultado perfecto, triunfar en todo, triunfar por completo, triunfar por todo lo alto, arrasar con todo, arrasar con todos los premios, todos los títulos o todas las victorias, acaparar todos los premios, llevarse el bote, llevar la palma, ganar el premio gordo.

Quelques phrases pour illustrer le sens figuré de faire un carton et faire (un) carton plein:

  • « Pour pimenter vos soirées entre amis, rien comme ce jeu de société captivant qui fait un carton en ce moment: à chaque tour, tous les joueurs sauf l’imposteur connaissent un mot secret et donnent chacun à son tour un indice lié à ce mot. Ils doivent démasquer l’imposteur, qui, lui, tente de passer inaperçu tout en devinant le mot secret à partir des indices donnés. » 
  • « Le troisième volet de cette saga familiale corse a débarqué dans les salles obscures en début de semaine et fait déjà tout un carton au box-office français.
  •  » Cabaret d’une démoniaque virtuosité et d’une inventivité absolument loufoque, la nouvelle pièce de ce duo acrobatique digne héritier du tandem Laurel et Hardy fait un véritable carton auprès des mordus du théâtre du Midi. Encore à voir à Toulon, Grasse et Fréjus. »
  • « La célèbre formation de rock alternatif française issue des courants synthpop et new wave des années 80 fête ses 40 ans de carrière avec une tournée de 20 dates comprenant des arrêts à Lille, Brest, Rennes, Lyon, Toulouse, Dijon, Orléans, Nantes, Bordeaux et Marseille, entre autres. Leurs concerts, truffés de versions inédites, collaborations et autres surprises, font un carton. »
  • « Depuis sa révélation aux dernièrs Victoires de la Musique, la nouvelle coqueluche du rap français enchaîne tube sur tube. Les deux simples de son nouvel album font un carton: le premier s’est déjà vendu à plus de 850 000 exemplaires, le second figure depuis quatre mois dans le top des 10 meilleures ventes françaises. »
  • « Son rôle dramatique l’a aidée à faire un carton plein lors de la cérémonie de remise des prix. » · « Her dramatic role helped her sweep the awards at the ceremony. » · « Su papel dramático la ayudó a arrasar con los premios en la ceremonia. »
  • « Le produit unique de la startup les a aidés à faire un carton plein sur le marché technologique concurrentiel. » · « The startup’s unique product helped them scoop the pool in the competitive tech market. » · « El producto único de esta empresa emergente le ha ayudado a llevarse el bote (arrasar con todo) en el competitivo mercado tecnológico. »
  • « C’était exaltant de voir l’équipe faire un carton plein contre leur adversaire le plus coriace. » · « It was exhilarating to watch the team sweep the series against their toughest opponent. » · « Fue estimulante ver al equipo lograr una actuación perfecta contra sus rivales más duros. »
  • « Avec quatre victoires en autant de rencontres, le club parisien réalise un carton plein. » · « Carton plein pour le PSG: 5 matches, 5 défaites! » (titre d’article de presse avec: 1- ellipse verbale pour des raisons de concision (il faut faire court!) et 2- une connotation ironique (défaite sur toute la ligne!) )
  • « Carton plein pour F1. […] [Film sportif d’action original] avec Brad Pitt dans le rôle d’un pilote de Formule 1 sur le déclin qui revient sur la piste, F1 s’est propulsé en tête du box-office nord-américain lors de son week-end de sortie avec 55,6 millions de dollars de recettes. » (Ici Beyrouth.com, 30/06/2025; nouvel exemple d’emploi elliptique de l’expression dans un titre)
  • « Marc Marquez poursuit son carton plein. La première chute et la première pole-position ratée de la saison n’ont pas empêché Marc Marquez (Honda) de rafler une 7e victoire en 7 courses en MotoGP, lors du Grand Prix de Catalogne. Parti en 3e position, le jeune leader du championnat a pris les commandes de la course à 5 tours de l’arrivée, pour finir devant son coéquipier Valentino Rossi (Yamaha) et Dani Pedrosa (Honda). L’Espagnol complète ainsi le carton plein espagnol ce week-end (victoire de son frère Alex en Moto3 et de Rabat en Moto2), et il égale en même temps Rossi, qui avait aussi réalisé un sans-faute (= un carton plein) lors des 7 premières courses en 2002. » (France Info, 15/06/2014)

Et il ne vous aura certainement pas échappé que la locution faire un carton est assez proche de faire mouche, expression provenant du tir à l’arc ou de la chasse et qui signifiait à l’origine, au sens propre, « atteindre le centre de la cible (la ‘mouche‘ qu’on croyait y voir, tellement ce cercle concentrique était petit et difficilement perceptible) avec une flèche », pour finalement donner, au sens figuré, « atteindre le but visé (son objectif) de manière éclatante, réussir une action avec précision et efficacité, viser juste, toucher le point sensible (avec une réplique), toucher le mille, avoir un grand succès avec une action ou une réplique, en mettre plein la vue ».

En anglais, cela donne to hit the target, to hit the mark, to hit home, to achieve a goal successfully, to achieve the desired outcome, to score a bullseye (or bull’s-eye), to be spot on, to make a powerful or effective point (in a debate), to get a desired reaction, to hit the nail on the head, to land a telling blow or strike (to successfully deliver a powerful, impactful, and often decisive strike or blow), to find the chink in someone’s armour. En espagnol, on traduira par alcanzar su objetivo, lograr el propósito, dar en el blanco (el clavo, la diana, el objetivo), hacer diana, atinar, tener éxito, acertar (con precisión), hacer un trabajo excelente, ser un gran acierto, impactar, impresionar, causar impresión, causar sensación.

Quelques phrases pour illustrer le sens figuré de faire mouche:

  • « Son argument a fait mouche lors du débat. »
  • « Le discours du ministre a fait mouche auprès des citoyens. »
  • « Le danseur a fait mouche avec sa pirouette. »
  • « L’enquêteur a fait mouche en trouvant l’indice clé. »
  • « Mes arguments ont fait mouche et ma voisine a finalement décidé de se faire aider. »
  • « Pour l’inauguration officielle de son nouveau stade, […] la RAAL La Louvière a été contrainte au match nul et vierge (0-0) face au club luxembourgeois de Differdange samedi soir en amical. Malgré une domination lors du premier acte, les Louviérois n’ont pas su faire mouche. Ils ont ensuite cru ouvrir la marque à la 67e minute mais le but a été annulé pour une position de hors-jeu. » (La Dernière Heure, 28/06/2025)

Et pour élargir encore un peu plus le spectre, il y a quelques expressions avec faire dont le rapport avec faire un carton ne passe plus par une origine commune (le tir, la cible) mais purement et simplement par leur synonymie: leur référence, nuances (connotations) à part, à un vif succès ou engouement.

Synonymie dans le seul et unique sens d’expressions monosémiques comme faire sensation et faire fureur, ( = « être l’objet d’un engouement excessif, être fort en vogue, avoir beaucoup de succès ») ou synonymie dans un des sens d’expressions polysémiques, normalement dans un sens autre que le sens premier (sens propre et principal) de l’expression.

C’est le cas de l’expression faire un tabac , où le « bruit » imaginaire produit par un franc succès au sens figuré renvoie au bruit physique produit à force de coups forts ou de claquements au sens propre.

Bruit appelé tabac parce qu’il est comparable au tumulte d’une bagarre et qu’originellement, en argot, tabac (mot qui est le résultat du curieux croisement de tabas, nom substantif déverbal de tabasser « rouer de coups, battre violemment », verbe provenant de l’occitan tabassa ou tabasta, avec tabac par simple homophonie) signifiait « bataille, violente bagarre ». Il suffit de penser à l’expression passer à tabac aujourd’hui synonyme de tabasser! Et le fait qu’au XIXe siècle ce tabac (qui a tout d’un tabas et rien du tabac qu’on fume, celui introduit vers 1560 comme herbe médicinale auprès de Catherine de Médicis par Jean Nicot) s’appliquait aux salves d’applaudissements et aux coups (ou battements) de pied énergiques qui les accompagnaient durant les spectacles (pièces de théâtre, opéras, opérettes, etc.) à vif succès pourrait expliquer le passage (ou glissement) du sens propre de faire un tabac au sens figuré de « connaître un succès éclatant ».

Puis on ne pourrait pas passer non plus à côté des locutions faire un malheur et faire des ravages, où par un procédé qu’on appelle « antiphrase », l’effet fâcheux causé au sens premier de l’expression (un malheur matériel ou moral) se métamorphose en son exact opposé au sens figuré: l’effet heureux du vif plaisir partagé éprouvé ayant causé un engouement ou succès fort et inattendu. Tout comme quand on dit qu’un film ou un tube qui vient de sortir va « faire mal », on signifie qu’il va plaire immédiatement et irrésistiblement, qu’il va faire du bruit, qu’on va en entendre parler, qu’il va remporter un prompt et franc succès, qu’il va « casser la baraque ».

On vous laisse ici quelques phrases-exemples pour les expressions avec faire synonymes de faire un carton que nous venons de commenter:

  • « Les trottinettes électriques font fureur dans les zones urbaines pour les courts trajets. » · « Electric scooters make (or cause) fury in urban areas for short commutes. » · « Los patinetes eléctricos están de moda ( = están adquiriendo gran popularidad y aceptación) en las zonas urbanas para trayectos cortos. »
  • « Les drones font fureur pour capturer de superbes photographies aériennes. » · « Drones are all the rage for capturing stunning aerial photographs. » · « Los drones están de moda ( = hacen furor, causan furor) para captar magníficas fotografías aéreas. »
  • « Les baskets imitation font fureur parmi les enfants qui veulent les dernières tendances. » · « The copycat sneakers are a hit among kids wanting the latest trendy footwear. » · « Las zapatillas de imitación están de moda ( = tienen mucho éxito, son muy popuares, son tendencia) entre los niños que quieren estar a la última. »
  • « La nouvelle collection de prêt-à-porter de cette marque de vêtements a fait sensation sur la passerelle avec ses designs audacieux. » · « The new ready-to-wear clothing line of that fashion brand made a splash on the catwalk with its bold designs. » · « La nueva colección de moda lista para usar de esta marca de ropa causó sensación en la pasarela por sus atrevidos diseños. »
  • « Le nouveau restaurant en ville a fait sensation avec ses options de menu uniques. » · « The new restaurant in town has caused a stir with its unique menu options. » · « El nuevo restaurante de la ciudad ha causado sensación por sus opciones de menú únicas. »
  • « Les agents de ces festivals ne prennent pas de risques, et les groupes connus y vont et font un tabac. » · « The agents of these festivals don’t take any risks, and the well-known bands go there and make a big splash. » · « Los agentes de estos festivales no corren riesgos, y las bandas conocidas van allí y dan la campanada (= causan un gran revuelo, causan sensación). »
  • « L’album fait un tabac et se vend à un million d’exemplaires. » https://www.caminteresse.fr/culture/pourquoi-dit-on-faire-un-tabac-pour-le-succes-dune-piece-de-theatre-1190579/
  • « Après une fusion réussie, ces constructeurs automobiles ont fait un malheur sur le marché des véhicules utilitaires sport compacts. » · « After a successful merger, these carmakers have made a killing in the compact SUV market. » · « Tras una exitosa fusión, estos fabricantes de automóviles han hecho su agosto en el mercado de los SUV compactos. »
  • « Les sagas historiques font un malheur sur le petit écran. Dans la foulée de Rome (2005), Les Tudors (2007) et Les Borgia (2011), nos chaînes de télévision commandent des séries historiques en masse. » · « Historical sagas are a big hit (= are experiencing a surge in popularity) on the small screen. In the wake of Rome (2005) , The Tudors (2007) and The Borgias (2011), our TV channels are ordering historical series in bulk. » · « Las sagas históricas triunfan en la pequeña pantalla. Siguiendo la estela de Roma (2005), Los Tudor (2007) y Los Borgia (2011), nuestras cadenas de televisión encargan series históricas en masa. »
  • « Tu vas faire des ravages à cette soirée avec ta mini-jupe! » · « You’re going to be a hit ( = make a splash, make a killing) at this party with your miniskirt! » · « ¡Vas a triunfar (= arrasar, causar estragos) en esta fiesta con tu minifalda! »
  • « Le « chocolat Dubaï » , une tablette de chocolat au lait fourrée à la pistache et au kadaïf (cheveux d’ange) originellement conçue par une pâtisserie de la ville arabe du même nom et devenue virale sur les réseaux sociaux, fait actuellement des ravages en supermarché et les artisans-chocolatiers surfent sur la tendance. Il affole tellement que les producteurs de pistaches galèrent et que les prix des précieux fruits secs flambent.« 

Bon, d’accord, le verbe cartonner employé sans complément d’objet auprès de lui et au figuré peut avoir une relation directe avec la locution verbale faire un carton et lui emprunter le sens de « être un vraie réussite, provoquer un engouement inattendu, connaître un succès fou », qui se rapproche de celui que peuvent avoir des locutions verbales comme faire un tabac, faire un malheur, faire des ravages et (pourquoi pas, chez les Belges) faire une drache.

Mais cartonner a d’autres sens qui n’ont rien à voir avec celui que nous avons découvert, commenté et illustré au long de cet article. À commencer par son premier sens, directement lié au premier sens de carton: « recouvrir (un livre) de carton (pour le protéger ou le réparer) » ou, comme on dit en imprimerie, « relier (un livre) avec du carton, brocher ». C’est là un emploi transitif (l’action du verbe passe sur une personne ou un objet et le verbe aura donc un complément d’objet auprès de lui) et propre (dans un sens non imagé, non figuré) de cartonner.

  • « Le relieurs-doreurs de notre atelier de restauration cartonnent systématiquement les livres manuscrits ou imprimés dont la couverture est en très mauvais état pour les rendre à nouveau manipulables et prolonger leur vie. »
  • « Messieurs les amateurs qui voudront faire cartonner leurs livres par ce procédé, sont invités à les demander pliés, aux libraires, à qui il doit être indifférent délivrer les livres simplement pliés, non brochés. » (M. Lesné, Lettre d’un relieur français aux principaux imprimeurs, libraires, relieurs & bibliophiles de l’Europe, Paris, chez Jules Renouard, 1834)
  • « Il ferait aussi cartonner d’une manière bien solide les petits dictionnaires allemands. » (J. Michelet, Journal, 1828, p. 714).
  • « Jacques tira de dessous sa veste un énorme cahier rouge qu’il avait cartonné lui-même. » (A. Daudet, Le petit chose, 1868, rééd. Le Livre de Poche, p. 31)
  • « Publiée dans [le journal] Pilote de 1959 à 1973, Astérix, [la série de bande dessinée française créée le 29 octobre 1959 par le scénariste René Goscinny et le dessinateur Albert Uderzo] est éditée parallèlement en album cartonné, pour les 24 premiers albums, d’abord aux éditions Dargaud, puis à partir de 1998 aux éditions Hachette, et enfin aux éditions Albert René pour les 10 albums suivants. » (Wikipédia)

Mais ce n’est pas le seul emploi transitif de cartonner. Parmi les sens actuels du verbe, il y a aussi celui de « attaquer violemment, critiquer vivement, asséner des critiques vigoureuses à, mettre à mal ou démolir verbalement, recadrer très sévèrement, (fam.) dézinguer, (fam., argot.) allumer (une personne ou une chose) »:

  • « Nemanja Matic a dézingué ( = a démoli, mis à mal, critiqué violemment) Andre Onana. Dans une conférence de presse, Matic, le milieu serbe de l’Olympique de Lyon [ou OL] cartonne (= critique vivement) Onana, le gardien de but camerounais de Manchester United, pour avoir jugé son club «meilleur» que l’OL: «C’est bien Onana qui a dit ça, n’est-ce-pas ? Je respecte tout le monde, mais lorsqu’on est l’un des plus mauvais gardiens de l’histoire de Manchester United, il faut faire attention à ce que l’on dit. Avant de parler, il faut prouver avec des actes». Sans détour, le milieu du club lyonnais a allumé ( = a recadré ou remis à sa place très sévèrement) le Camerounais ! Et le nul (2-2) entre les deux équipes lors du quart de finale aller de Ligue Europa, avec une grosse bourde du portier, a plutôt confirmé la sortie du Serbe. » (légèrement adapté de « Top déclarations », article de Damien Da Silva ds. Maxifoot, 12/04/2025)
  • « Novateur et provocateur, le jeune cinéaste s’est fait cartonner par la plupart des critiques. »
  • « Il m’a prouvé que je n’étais pas idiote, que je valais quelque chose, que je comprenais ce que je lisais et que j’étais tout à fait capable de construire et rédiger de bons devoirs ! Allez, mardi, tout ira mieux ! S’il retrouve ma copie, je ne serai pas surprise, je m’attends à me faire cartonner. » (J.-F. P. Prône, Six jeunes femmes au fond du gouffre, Éds. Saint Martin, 2012)
  • « On adorait gare Saint-Lazare, notre fief, courir après un mec en train de courir et crier derrière lui : « ‘Au voleur ! » Et le voir se faire cartonner. » (X. Durringer, Sfumato, Le Passage, 2015, chap. 10)
  • « L’invitation à donner son avis est une sorte de figure de rhétorique à laquelle il ne faut pas attribuer trop d’importance, ce que comprend tout à fait la première catégorie d’élèves: « Les disserts, fallait peser le pour et le contre, donner son avis mais en fait faut pas donner son avis parce qu’on se fait cartonner quand même suivant les profs. »«  (A. Barrère, Les lycéens au travail: tâches objectives, épreuves subjectives, PUF, 1997, p. 127)

Sans oublier le sens vieilli de « insérer des cartons dans un livre pour en corriger ou modifier le texte originel ». Un procédé autrefois courant en imprimerie lors de la reliure ou brochure et similaire à celui d’interfolier ( = « intercaler des feuilles vierges dans un livre, créant ainsi un espace pour ajouter des notes manuscrites, commentaires ou traductions). Par extension, cartonner en arrivera à signifier « commenter, annoter (un livre) » ou « marquer (un livre) d’un carton, censurer (un livre) »). Notez qu’on emploie ici carton dans le sens métonymique de « fiche de carton ».

  • « Malheureusement, l’auteur [Jean-Jacques Rousseau] fait ( = insère, intercale) des cartons [dans la Lettre à Christophe de Beaumont] et c’est ce qui retarde la publication de ce modeste ouvrage. […] Enfin il cartonne ( = rajoute des commentaires), et moi je cartonne ( = commente) aussi l’Histoire générale.«  (Voltaire, Lettre au comte d’Argental, 13 avril 1763, cité ds. le Littré)
  • « Des ouvrages cartonnés ( = censurés) ou défendus par la police. » (Las Cases, Le Mémorial de Sainte-Hélène, t. 1, 1823, p. 268).

Avec cela on a plus ou moins fait le tour des emplois transitifs de cartonner. Nous restent les emplois intransitifs autres que celui auquel nous avons consacré le gros de cet article. Parmi les actuels, il faut retenir l’emploi populaire de cartonner au sens de « avoir un accident de voiture, entrer en collision »:

  • « Ah, j’ai cartonné (j’ai eu un carton = « un accident ») hier avec ma voiture quand je rentrais du travail. »
  • « J’ai cartonné en voiture en allant au boulot, je suis arrêté 2 mois! » (G. Miller, I. Mergault, Le divan et le confessionnal, Paris, Artège, 2015)
  • « J’ai eu deux fois le cas d’une personne âgée en contresens sur des voies rapides, une troisième décédée (ça venait de cartonner avec un camion). Deux autres fois des contresens sur des ronds-points … Et j’en passe. » (Commentaire de julien12 sur l’article « Consultation nationale sur la conduite des Seniors » d’Alexis Ferrant sur Lerepairedesmotards.com, 02/07/2025)
  • « Si vous vous faites cartonner par une voiture refusée au contrôle technique, vous serez content. »

Et il y en a même qui osent du transitif au sens de « endommager, accidenter (un véhicule) »! :

  • « Il cartonne sa voiture sans plaque et sans assurance et protège son pote face aux gendarmes. »
  • « Bonjour, celui qui a cartonné ma voiture (une Mini vert métallisé) sur le parking N en face du stade du Standard de Liège hier soir pendant le match de foot contre le RSC Anderlecht qu’il se manifeste et me contacte. »

Puis il y a cet emploi aujourd’hui un peu vieilli et familier du verbe qui nous occupe au sens (souvent péjoratif) de « jouer (habituellement, mal) aux cartes », avec des locutions verbales synonymes comme « battre le carton » ou « taper le carton », où carton est une nouvelle fois à lire dans le sens métonymique de « petit rectangle de carton ou de papier fort, carte (cartonnée) »:

  • « SAINT-HIPPOLYTE. – En cinq… (À Marthe, qui donne.) Eh ! eh ! vous avez un coup de pouce… MARTHE, retournant un sept. – Oui, je ne cartonne pas mal… » (É. Villars, Les précieuses du jour, comédie, Paris, Librairie internationale, 1866)
  • « J’ai toujours, après dîner, Pour avis qu’il faut cartonner ; Baccarat ou bien lansquenet, J’ai dans ma poche un jeu tout prêt. » (H. Meilhac et L. Halévy, La Vie parisienne, pièce en cinq actes, livret de l’opéra-bouffe homonyme de Jacques Offenbach, Paris, Michel Lévy et Frères, 1867, II, XVI, p. 48)
  • « Il passe son temps à cartonner. » (ds. le Littré) · « Il passe ses soirées à cartonner. » (ds. le Dict. de l’Académie française, 9e éd.), consultés 23/06/2025
  • « Nous cartonnons, nous autres, pendant que Mademoiselle lit les journaux. » (Willy [H. Gauthier-Villars] et S.-G. Colette, Claudine à l’école, Paris, Le Livre de Poche, 1900, p. 170)
  • « On a causé, fumé, griffonné des cartes postales, voire « cartonné » dans les coins et parfois avec une frénésie qui, entre les richards de la colonie, se traduit par d’assez jolies différences. » (G. Rozet, journaliste sportif, « Au camp d’aviation », ds. La Revue de Paris, 15/06/1911)
  • « Le soir, on causait ou on cartonnait dans les salons. » (L. Dumur, Dieu protège le tsar!, Paris, Albin Michel, 1927, p. 223)
  • « [Il] ne pouvait pas résister non plus à écouter Grégor et il passait sa vie dans la cave à cartonner avec le Grec qui lui apprenait des martingales infaillibles et ultra-secrètes. » (F. Trignol, Satan est là, Éds. Baudelaire, coll. « Détective Pocket », 1963)

Mais on ne saurait conclure notre survol des emplois intransitifs de cartonner sans mentionner les expressions familières Ça cartonne (sec, grave)!/Ça va cartonner (sec, grave)!

Signifiant « C’est/Ça va être intense! » et, très familièrement et par métaphore, « Ç’est/Ça va être cardio! » (pour: « cardiovasculaire ») dans leur interprétation « la plus neutre » (si neutralité il peut y avoir dans ce cas concret!), elles vont, dans certains contextes, référer à une réussite bien marquée dont l’impact est déjà visible ou se laisse entrevoir facilement et prendre plus distinctement encore la connotation de « Ça tourne/Ça va tourner rondement! », « Ç’est/Ça va être une expérience formidable! », « Ça marque/va marquer les esprits! », et dans un registre familier, « Ça marche/va marcher (très) fort! », « Ça marche/va marcher du tonnerre! », « C’est/Ça va être trop bien (génial, super, sensas)! », et très très familier et par métaphore, « Ça carbure!/Ça va carburer!, « Ça dépote!/Ça va dépoter! »:

  • « Très bonne idée! Juste ce qu’il fallait pour lancer la nouvelle app! Je crois que ça va cartonner. »
  • « Cap[able] de faire votre kebab à la maison? La recette pour faire des versions mini (ça va cartonner à l’apéro). Vous avez convié quelques amis pour l’apéro? Surprenez-les avec ces mini-kebabs au poulet proposés par le chef Abdel Alaoui. Vous allez vous régaler! » (Femme Actuelle, 15/03/2025)
  •  » ‘Vous allez frissonner’, a prévenu Damien Thévenot. […] Bluffé par la performance du quatuor, l’animateur [de Télématin] a assuré que Génération Céline, qui [débutera sa tournée en septembre prochain et] retracera la vie de l’interprète [Céline Dion] à travers ses succès, était ‘l’événement de cette rentrée’: ‘Je ne suis pas Madame Soleil mais ça va cartonner parce qu’il y a tout pour que ça cartonne’. «  (Diverto, magazine, 28/06/2025)
  • « Faut voir le ravage que le nouvel opus de cette saga d’horreur fait parmi les abonnés des services de vidéo à la demande, mec. Ça cartonne sec! »
  • « Et si finalement, c’était ça le hit [ou tube] de l’été ? Soolking a encore frappé un grand coup cette année avec [son album] Africa Jungle part. 1. […] , mais ce n’était visiblement pas suffisant puisque l’artiste vient de dévoiler un tout nouveau single [ou simple], accompagné de son clip. Et autant vous dire qu’on tient un sacré prétendant au titre de hit [tube] de l’été: le morceau s’appelle « C’est fort », et il s’agit d’un feat [une collabo] avec Ninho. Forcément, ça va cartonner, surtout quand on entend les premières notes de l’instru démarrer. Le refrain marche lui aussi très bien, bref, un morceau calibré pour être un tube. » (Générations.fr, site de Générations [Hip Hop Soul Radio], station de radio en région parisienne créée en 1992 qui émet sur la bande FM, 26/06/2025)

Mais ces deux expressions peuvent tout aussi bien, dans d’autres contextes et à l’instar de l’emploi de (se faire) cartonner au sens de « (se faire) attaquer violemment, être asséné de critiques vigoureuses » ou au sens argotique de « (se faire) agresser sexuellement », balancer dans le champ négatif du danger, de la menace et du risque d’exposition à toutes sortes d’embrouilles pour signifier « Ça se complique!/Ça va se compliquer! », « Ça se passe (ou tourne mal)!/Ça va mal se passer (ou tourner)!, et dans un registre familier à très familier, « Ça barde!/Ça va barder! », « Il y a du grabuge!/Il va y avoir du grabuge! » ou « Ça chie des bulles!/Ça va chier des bulles! »:

  • « Si tu ne fais pas attention, ça va cartonner pour toi! »
  • « Il a pris trop des risques ce coup-ci, ça va cartonner pour lui. »
  • « Il vaut mieux éviter ce quartier, ça cartonne là-bas. » · « Il vaut mieux ne pas moisir dans le coin = « ne pas s’attarder ici, ne pas traîner ici, ne pas rester là »), ça cartonne dur! » (G. Miller, I. Mergault, Le divan et le confessionnal, Paris, Artège, 2015)
  • « Ça cartonne (= « ça se complique, ça barde) devant le cimetière. Charge et lacrymogènes. [Les funérailles de l’opposant tunisien assassiné Chokri Belaïd ce vendredi à Tunis] ont été émaillées de troubles, des casseurs venus de quartiers proches du cimetière ayant incendié des voitures, agressé des civils et jeté des pierres sur la police qui a répliqué par des gaz lacrymogènes. » (raccourci et adapté du Huffington Post, 08/12/2013)

Voilà! Nous avons fait le tour de la question pour ce qui regarde cartonner. Enfin, presque! Et si on vous relançait?

Allez, on vous relance! Que faut-il entendre par cartonner (emploi transitif, faisant référence à carton dans le sens métonymique de « fiche de carton, carte (cartonnée) » ) et la locution verbale prendre un carton utilisés dans le contexte spécifique et le jargon du foot et du rugby?

Pour en savoir plus

Cartonner, faire un carton, faire carton plein:

Faire mouche:

Faire un tabac:

Faire un malheur, faire des ravages:

Expressions pour parler de la réussite ou de l’engouement:

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